Le Chœur de la Trinité va interpréter un extrait de Tu es l’Amour. Est-ce la première fois que cette œuvre sera donnée en concert ?
M.F. : Avec une telle formation pour grand orchestre et chœur, oui, car elle avait été interprétée jusqu’à présent pour une voix et orgue. On peut donc parler d’une création car c’est comme cela que j’ai conçu cette œuvre.
Pouvez vous nous présenter Tu es l’Amour ? Est-elle une nouvelle pièce à l’édifice de musique sacrée que votre œuvre recèle déjà ? Nous savons l’importance que vous attachez à la poésie, à la peinture, à l’art en général. Tu es l’Amour répond-t-il à cet objectif ?
M.F. : Ces six textes [Pauvreté, Annonciation, Prière d'une Mère, Oblation de la lumière, Memento, Jésus Christ - N.D.L.R.] sont tirés d’un livre de prières anonymes, inspirées par la religion bien entendu. J’ai conçu cette œuvre depuis longtemps, en l’occurrence en 1990-1991. J’ai souhaité dégager des impressions, des ressentis, un sentiment d’émotion propre à un grand amour et qui doit entraîner tout le monde. Le chœur dans son ensemble doit viser au même élan musical, au même rythme, aller dans la même direction.
Quelle place la musique vocale en général occupe-t-elle dans votre répertoire ?
M.F. : La musique vocale occupe une place essentielle dans mon œuvre : Requiem, Ave Maria, Offertoire... J’ai même ébauché l’esquisse d’un opéra pour 850 enfants et comportant 48 textes de comptines. Je suis consciente de la difficulté de réaliser un tel projet…
Vous êtes une disciple d’Olivier Messiaen : son œuvre est elle toujours pour vous une source d’inspiration ?
M.F. : J’étais la seule femme dans la classe de composition d’Olivier Messiaen !
Il était particulièrement attentionné à mon égard et bien entendu il m’a beaucoup influencé, et continue de le faire. Gemme d’étoiles, titre donné par Messiaen lui-même à cette œuvre composée pour ondes Martenot, orgue et percussions, constitue une illustration que je considère comme essentielle de cette influence.
Vous avez déjà travaillé avec Till Aly, notamment à l’occasion de la commémoration du centenaire de l’armistice de 1918. Il avait alors dirigé le Chœur de Paris et créé votre Requiem, qui avait été très apprécié par le public. Êtes-vous confiante dans cette nouvelle collaboration, cette fois avec le Chœur de la Trinité ?
M.F. : J’ai déjà travaillé avec Till plusieurs fois, dont le Requiem à Saint-Roch, j’ai donc toute confiance pour ce nouveau projet.
Nous savons le goût que vous portez à l’improvisation. La partition originale de Tu es l’Amour pourra-t-elle faire l’objet de certaines improvisations, ciblées par notre chef et selon vos directives ?
M.F. : Je suis ouverte à des interprétations différentes, selon la personnalité du chef. Mais pour Tu es l’Amour, tout est écrit : l’inspiration vient du texte lui-même.
Nous savons combien vous admirez Beethoven. Qu’en est-il de Berlioz ? Que pensez-vous d’avoir juxtaposé pour le même concert son Requiem et votre œuvre ? Comment, selon vous, le public pourra-t-il percevoir cela ?
M.F. : Berlioz était un peu « fou fou » ! Le couplage ne pose pas de problème, le lien réside dans la force mystique des deux œuvres.
La musique contemporaine occupe-t-elle, en France, aujourd’hui, la place qu’elle mérite ? Que faudrait il faire pour la rendre plus populaire, plus accessible au public ?
M.F. : Il faudrait lui faire une petite place au début de chaque concert... ce que fait souvent Till d’ailleurs.
Quels sont vos projets ? Avez-vous une composition en cours d’écriture ?
M.F. Je prépare une œuvre qui s’intitulera Résurrection, un grand oratorio avec quatre orgues qui pourrait opportunément être donné à Notre-Dame. J’aimerais aussi que soit enregistré par Till mon Requiem, couplé avec l’Ave Maria et l’Offertoire.
Merci à vous, chère Michèle Foison, de nous avoir accordé cet entretien, nous espérons être à la hauteur de la confiance que vous nous témoignez les 25 et 26 novembre prochains.
(Propos recueillis le 6 novembre 2023. Photos ©Karl Pouillot)
Pour aller plus loin
Catalogue de Michèle Foison sur le site Présence compositrices.
Il fallait que je sois compositrice : entretien avec la compositrice Michèle Foison à l'occasion de la parution de son catalogue. Propos recueillis par Camille Villanove en avril 2021.
Entretien avec la compositrice Michèle Foison par le Chœur de Paris en 2018 à l'occasion de la création de son Requiem (YouTube).
Des œuvres religieuses de la cheffe Michèle Foison, compositrice de Bû, seront jouées à Paris - Olivier Bohin, L'Écho républicain, 10 novembre 2023.